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  • Allez, une petite, petite esquisse de nouvelle !

    COUP DE CHALEUR

    Sûr qu'il fait chaud. Les nichées s'en rendent compte, vous pouvez me croire. Celles des oiseaux criaillent et piaillent, se font des scènes à n'en plus finir. Même le soir, ça sera à celui qui rasera au plus près le sol, en quête de nourriture, et on n'a pas l'impression qu'entre eux les couples ont des égards. Même les tous petits, dans les nids brinquebalés par la dernière tempête, gueulent copieusement, bien sûr déjà dans la compétition. Trois déjà se sont viandés de toute la hauteur du palmier. Haro, les fourmis ! Alors, quoi, faut bien s'infuser un peu de cynisme, quand armé d'une bêche il s'agit d'aller guillotiner les blessés ! En ce qui concerne le voisinage humain, on entend grincer comme c'est pas possible les vieilles brouettes des couples. Ma bêche reste sous l'abri. Mais beaucoup s'en trouveraient soulagés, d'un de ses bons coups (pensez, avec l'entraînement !) en plein dans le mitan de leur union souffreteuse, envenimée par la moiteur où transpire leur tandem. Moi, ce que j'en dis !
    Remarquez, certains regards en disent long, comme négligemment jetés par-dessus la haie à mon endroit. Le mari, d'abord, plus franc du collier, risque aussitôt quelques pas vers bibi qui, selon sa bonne humeur ce jour-là (envie de s'amuser, quoi) a accepté le contact des yeux qui bien entendu ouvre aussi sec la porte du bla-bla. Sa femme, elle, reprend ostensiblement la direction de la casbah (son mari s'est détaché d'elle trop volontiers) et opère à cet effet une habile supination du buste qui lui laisse le temps _et sans en avoir l'air_ de me photographier à la volée.
    Lui : "Quelle chaleur, hein ?"
    Moi : "Oui, alors ! C'est un temps à faire pousser une jungle..."
    C'est marrant comme pour le coup il me devance et esquisse un sourire entendu quand je ne voyais de malice au propos que le cliché débité ! Comme quoi, l'humour est vraiment l'arme du désespéré ! La bêche de la chimère. Les hommes affligés d'une épouse sont souvent frappés d'inconscience, d'innocence, vont sans hésiter à l'eau noyer l'image publique de leur ménage, ruiner d'emblée leur mince espoir, fût-il le dernier. Quitte à le regretter très vite, pour peu que la femme s'attriste, se fâche ou fasse mine de plier bagages. Pas pu m'empêcher de jeter un coup d'oeil effaré vers sa moitié, étendue là-bas sur son transat. Comme si elle avait pu entendre son sourire ! Faut pas croire, j'ai de la sympathie, moi. J'ai bien vu qu'il faisait une drôle de bobine, après ça. On a encore échangé deux ou trois cirrus, mais le coeur n'y était plus. Il semblait tout à coup pressé, et j'étais suffoqué. Je me suis rentré. Enfin à la fraîche !

  • Entre nous, Monsieur

    Monsieur,

    C'est un drôle d'endroit pour vous écrire et, même, c'est drôle que je vous écrive, à vous qui ne m'avez pas demandé l'heure. Mais bon, l'heure, vous l'a-t-elle jamais demandé pour agir ? Oui, voilà, elle a écrit ce qu'il vous arrive sur le Net, comme ça, sans autre forme de procès, vous a livré avec vos misères aux yeux de n'importe qui. Bien sûr, votre identité n'apparaît pas, et peut-être aussi que vous n'êtes pas son mari ; je ne sais pas, elle n'écrit pas très clairement, c'est toujours noyé dans la formule, barré sous un genre. Si c'est vraiment vous (je veux dire, si vous me lisez, donc) alors je vous dis sans doute que c'est sa façon de prendre des gants, de ne pas jeter le bébé de l'expression, vous voyez. Dans ce genre d'affaire celui qui veut se tirer du bain dans lequel il juge avoir assez trempé avec l'autre _ l'autre qui n'y est plus à son aise puisque tout seul, abandonné_ ne sait pas trop s'il faut l'y laisser ou pas. Fait des mots. S'agissant d'elle, en tout cas, tout cela ne la concerne déjà plus. Je la cite : "...j’ai envie de le gifler '.. Quand je vous dit qu'elle écrit ce qu'il vous arrive, entendez donc qu'elle vous a textualisé, mis en histoire (ancienne, de fait)
    C'est pour ça que je vous écris. Faut pas lui en vouloir si elle est cruelle, et ça d'ailleurs on s'en fout : faut surtout pas vous en vouloir à vous-même, d'abord.
    Personne ne quitte jamais personne : les personnes se quittent entre elles, et il y en a toujours une qui s'en rend compte avant l'autre et qui fait le premier pas. Je sais, moi, que c'est cela qui fait que ça ne passe pas. Déjà à la cantoche, dans une colonie de vacances ou que sais-je, il y en a toujours un qui dira "Prem's !" et les autres qui seront les seconds, forcément. J'appelle ça "le réflexe de survie", et il est en nous depuis perpète, plus ou moins bien ancré, ce qui fait qu'en cas d'incendie et dans la fuite qui s'ensuit les uns marchent sur la tronche des autres. C'est pas souvent très bon en piqûre de rappel. Mais il n'y a rien à faire, c'est comme ça, et une autre fois peut-être que vous serez celui qui dit "Prem's !", et il n'y aura pas plus d'orgueil à tirer de la victoire de ce jour que de honte à tirer de la défaite. On est deux du début à la fin, et dans le début et dans la fin. Faut pas s'en vouloir, vous voyez, de perdre comme de gagner. C'est la Grande Fuite. Fuite devant la peur, la faim, le feu... dans le soulagement : premier dans l'obtention du quignon de pain, dans l'arrivée à la sortie... dans l'écriture, en style, en genre, vers, prose, en brouette ou à cheval. Dans la rupture.

    Il suffit de regarder les choses à deux fois, comme toujours.

    Après, vous me direz, il y a la manière dont cela se passe, et je vous répondrai qu'on s'en fout aussi parce qu'en discutant la manière on cherche à reprendre de l'avance, et que chaque pouce de terrain qu'on pense avoir reconquis est un doigt dans l'oeil parce que dans la fuite on n'est jamais en avance.
    Mais on peut en parler aussi, si vous voulez... La manière, on est d'accord, c'est la forme. On est donc aussi bien d'accord qu'en en discutant, le fond, lui, restera inchangé. A partir de là, allons-y ! Vous savez ce qui à moi m'a fait le plus mal (oui, si je vous adresse la parole c'est que j'ai tâté personnellement la question, hein) ? Eh bien, à mon sens, c'est ce qui peine surtout les hommes, et je parle pour les hommes ici forcément : les images qui nous viennent en pensant à elle avec l'autre, et le vocabulaire de notre langue. Je pense à l'intimité que j'avais avec elle, et en me projetant dans la scène familière je suis bien obligé de me rendre à l'évidence que je n'y suis pas, donc, boum, c'est depuis le corps de l'autre avec elle que je la regarde, elle qui derrière mon regard qu'elle ne voit pas regarde l'autre ! Cette imagination-là est un des plus grands poignards dans le coeur d'un mâle. Maintenant, le vocabulaire. C'est évidemment encore tiré par les cheveux, mais quand on commence avec la forme... J'étais allé jusqu'à remettre le langage en question : depuis notre cervelle dans ce genre de situation, en effet l'on achoppe sur certains mots qui traînent depuis des lustres sans qu'on les remarque d'habitude, et c'est par là que vient se ficher l'autre grand poignard. On se dit merde, elle S'ABANDONNE, S'OUVRE à lui qui la PENETRE, la PREND ! Et ce registre est cautionné tout de même par les hommes que par les femmes ! Pour sceller le tout, elles ne sont pas les dernières à propager l'idée fausse qu'elles ne sauraient s'ouvrir et s'abandonner sans aimer. Vous ne trouvez pas qu'on pourrait changer ça, vous ? Tout est formulé à partir de l'idée de l'homme opérateur... et de clichés.

    Je dis que les histoires d'amour devraient être sous la surveillance de la police, parce qu'avec ces mots et ces images, sûr que cela fait du grabuge. Mais bon, tous les deux on est des gentils, pas vrais ? On se fait bien marcher sur la tronche parfois, mais après tout on nous a aimés ! Chez moi, une des femmes qui se sont barrées s'est retrouvée avec un con (si, si, je dis que c'était véritablement un grand con... et d'ailleurs ça m'a aidé de le savoir en un sens), et m'a regretté pendant des années (peut-être que c'est toujours le cas, d'ailleurs). Enfin, notez bien que c'est à sa façon, parce qu'elle n'est jamais vraiment revenue et même qu'elle est vraiment restée avec lui pour finir.

    J'ai vécu deux autres amours depuis.
    J'ai vécu une méchante rupture encore _à croire que je n'avais pas encore bien compris mes déductions :-)

    "It's still the same old story, a fight for love and glory..."...

    Bon, qu'est-ce que t'en penses ?

    Si tu viens dans le coin et que tu as envie de causer, tu cliques sur "Commentaires", en bas de la bafouille.

    Frantz

  • Papa

    Il fait jour depuis longtemps, tiens. Je n'ai pas assez dormi. Me recoucher peut-être. Alone at home. Il fait froid dehors, je trouve, et ça sent l'escargot alors qu'il n'a pas plu. Non, peut-être que je me trompe. Café. Première cigarette, déjà ! C'est ainsi qu'il est mort, mon grand môme de Papa il y a deux ans. Quelle fin atroce, quelle impuissance "en réa" devant la machine qui le bouffait ou lui donnait de l'air -c'était selon ce qu'on voulait croire, la salope ! Et moi, maintenant, toujours avec cette audace de compiler des mots, à en lire de partout et oublier qu'ils sont 9 fois sur 10 merdiques, encore en notre temps emprisonnés dans la poisse, la règle, la syntaxe horlogée. Les bons sentiments, aussi. Rien que des alibis à sa médiocrité, ses faux renouveaux. Pauvre con. Et puis, fumer, hein, Papa ? Fumer son emmerdement, pointer en clopes les pas de l'araignée, envaper l'inextricable fourbi de ce qui arrive, sulfater le néant car après tout, oui, tu avais raison, rien n'arrive ou plutôt nous ne faisons rien arriver. Tout nous tombe sur la gueule qu'on croit avoir maligne. Ca me rappelle le débat des grands connards philosopheux sur le destin : fatum, pas fatum ? Ils peuvent toujours rêver, les bouffis, sont cuits d'avance ! Tu te marres, là, pas vrai ? Je sais que tu te marres. Oh, Papa, entendre ton rire dans tes délires biscornus, ton imagination débordante pour la moindre broutille ! Pardon, Papa, pardon de m'être ennuyé avec toi, de n'avoir plus supporté l'immobilisme de tes dernières années, pardon de t'avoir laissé crever pour aller battre campagne, me fabriquer mes alibis, pardon de t'avoir sacrifié, tout ça pour rester à me bercer dans les bras des femmes qui m'ont toutes rendu chèvre, laissé choir finalement parce qu'elles ont encore plus d'appétit, que leur ventre de femelle leur dicte d'avoir toujours mieux pour un hypothétique mouflet. La seule amitié vraie est entre hommes. Y'a rien à redire là-dessus, on peut toujours se branler les méninges, ça sera toujours pour se donner belle allure, faire plaisance.
    Tu vois, moi, ton fils, je suis comme toi : je ne sais pas si ça vaut la peine, si je vais me recoucher ou pas, si je vais marcher au Hasard histoire d'espérer me faire croire qu'Il existe, le Pompeux qu'on voit au cinoche. Ou plutôt, non, poster ce truc sur le Net. Ouais, je sais que tu ne connais pas. C'est une espèce d'appartement comme tous les appartements dans une ville comme toutes les villes, où y'a plein de fenêtres de métro où l'on voit jamais vraiment la gueule des autres ni la sienne. C'est quelque part où l'on s'emmerde aussi, avec des rues qu'on emprunte au Hasard, avec des endroits où l'on s'arrête pour se donner le change,comme si on allait enfin être de connivence. Où l'on boit des kawas. Où l'on envoie paître ses bouteilles.

    Je t'aime, Papa.

  • VENT

    Vent. La campagne folle. Vrombissement des abeilles malgré tout à leur affaire, mais déportées. Radar. C'est comme si l'on allait entendre une sirène, une sirène emballée ivre de ses propres ondes. Un oiseau, un seul, qui reprend son air sans cesse, têtu. L'air chaud brasse entre eux les arbres dont les feuilles se frôlent, qui vous giflent de leur soyeuse hystérie. Toupie, ce temps est à vous rendre toupie. Derviche. Vous lancez une idée et hop, la voilà happée, et vous n'avez aucun recours pour vous en saisir à nouveau. Tant pis, il vous avait semblé pourtant qu'elle valait la peine, que si vous aviez eu le temps d'y regarder à deux fois elle vous aurait entraîné vers la gloire personnelle du texte et puis, non, il est trop grisant de laisser filer le filon et vous entrez le museau dans la corolle d'une fleur de passage, une fleur légère, énorme et tellement petite aussi. Elle sent sa mort, comme toute fleur, mais blanche _ et quel parfum !
    Les arbres, les arbres, les arbres... d'habitude prompts à vous tendre le bruit imaginé dans leur nom : un cri qui vibre et s'allonge et résonne tout le long d'une branche jusque dans la ramure, un VLING et un BRRR et un gong de fond, un son qui s'élague, une peur qui volige ; la poussée d'un hêtre au monde, l'élévation mégalo d'Ouranos, l'élancement dans la douleur ou la joie de la vie en son "I" ce clou crucifiant.
    Les arbres, les arbres, les arbres se tordent mais ne hurlent pas parce que le vent noie le déchirement de leurs tripes saoules et sans doute ne sentent-ils pas le ravage. C'est "Regain" ou encore "Le déjeuner sur l'herbe", c'est l'abrutissement magnifique de l'homme en son berceau de verdure, le sexe vert à sa source affolée, la jupe qu'on trousse et son cul qui l'ordonne. Et quelle CANDEUR !