Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Papa

Il fait jour depuis longtemps, tiens. Je n'ai pas assez dormi. Me recoucher peut-être. Alone at home. Il fait froid dehors, je trouve, et ça sent l'escargot alors qu'il n'a pas plu. Non, peut-être que je me trompe. Café. Première cigarette, déjà ! C'est ainsi qu'il est mort, mon grand môme de Papa il y a deux ans. Quelle fin atroce, quelle impuissance "en réa" devant la machine qui le bouffait ou lui donnait de l'air -c'était selon ce qu'on voulait croire, la salope ! Et moi, maintenant, toujours avec cette audace de compiler des mots, à en lire de partout et oublier qu'ils sont 9 fois sur 10 merdiques, encore en notre temps emprisonnés dans la poisse, la règle, la syntaxe horlogée. Les bons sentiments, aussi. Rien que des alibis à sa médiocrité, ses faux renouveaux. Pauvre con. Et puis, fumer, hein, Papa ? Fumer son emmerdement, pointer en clopes les pas de l'araignée, envaper l'inextricable fourbi de ce qui arrive, sulfater le néant car après tout, oui, tu avais raison, rien n'arrive ou plutôt nous ne faisons rien arriver. Tout nous tombe sur la gueule qu'on croit avoir maligne. Ca me rappelle le débat des grands connards philosopheux sur le destin : fatum, pas fatum ? Ils peuvent toujours rêver, les bouffis, sont cuits d'avance ! Tu te marres, là, pas vrai ? Je sais que tu te marres. Oh, Papa, entendre ton rire dans tes délires biscornus, ton imagination débordante pour la moindre broutille ! Pardon, Papa, pardon de m'être ennuyé avec toi, de n'avoir plus supporté l'immobilisme de tes dernières années, pardon de t'avoir laissé crever pour aller battre campagne, me fabriquer mes alibis, pardon de t'avoir sacrifié, tout ça pour rester à me bercer dans les bras des femmes qui m'ont toutes rendu chèvre, laissé choir finalement parce qu'elles ont encore plus d'appétit, que leur ventre de femelle leur dicte d'avoir toujours mieux pour un hypothétique mouflet. La seule amitié vraie est entre hommes. Y'a rien à redire là-dessus, on peut toujours se branler les méninges, ça sera toujours pour se donner belle allure, faire plaisance.
Tu vois, moi, ton fils, je suis comme toi : je ne sais pas si ça vaut la peine, si je vais me recoucher ou pas, si je vais marcher au Hasard histoire d'espérer me faire croire qu'Il existe, le Pompeux qu'on voit au cinoche. Ou plutôt, non, poster ce truc sur le Net. Ouais, je sais que tu ne connais pas. C'est une espèce d'appartement comme tous les appartements dans une ville comme toutes les villes, où y'a plein de fenêtres de métro où l'on voit jamais vraiment la gueule des autres ni la sienne. C'est quelque part où l'on s'emmerde aussi, avec des rues qu'on emprunte au Hasard, avec des endroits où l'on s'arrête pour se donner le change,comme si on allait enfin être de connivence. Où l'on boit des kawas. Où l'on envoie paître ses bouteilles.

Je t'aime, Papa.

Les commentaires sont fermés.