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  • L'Avant-Dernière nuit (des enfants)

    Les fenêtres ont été grandes ouvertes, tant il a fait chaud à force de tous ces pas. Aller et venir, partir et s'en retourner, avec dans les mains cet objet choisi plutôt qu'un autre.

    Les peluches ne semblent pas effrayées par le charivari, elles ont toujours leurs yeux doux et plein de bon sens. Elles savent bien que ce n'est pas fini et attendent leur tour pour sauter en ribambelle dans ce sac qui baye aux corneilles, ou peut-être à l'intérieur de ce carton qui leur tend ses quatre bras gourmands. Et, pareillement, toutes choses vont le même chemin comme autant de bernards lhermittes, avec des sauts de marelle.

    Quelle joyeuseté !

    N'est-ce pas la dernière nuit, pourtant ?
    Et c'est ma petite enfance, aussi, qui déménage : sa géographie -la chambre, et le couloir, et les placards...- va rester là !

    "Hmmm... nous respirons mieux maintenant" disent avec un sourire bienveillant la chambre, et le couloir, et les placards de cette maison. "Nous t'avons prêté l'abri de nos murs et le jour de nos fenêtres et nous étions très contents ; or, tu sais, nous aimons aussi un peu de changement. Nous sommes curieux et nous attendons avec impatience d’autres pas et d’autres voix. Peut-être qu’il y aura encore des enfants ?”
    Les choses sont facétieuses, toujours prêtes à faire des plaisanteries. Elles sont comme les cartes de jeu : tantôt piquent, tantôt font leur joli coeur. Elles ont leurs rois et leurs reines, et jouent à en changer parfois.
    Et, alors, je découvre que j'ai aussi un jeu de cartes, je comprends que dans mon propre jeu de chaque jour, mon jeu fait de souvenirs, de sentiments et de sensations, la carte d’aujourd’hui porte ces murs, ce couloir, ces fenêtres... ma géographie. Et c’est sans aucun doute une carte coeur. Et pour cela je la retrouverai toujours en moi, comme cette nuit !

    Ainsi que les peluches, j’attends joyeusement le prochain saut de marelle puisque, si demain je pars pour de bon, ce soir, comme pour tous les autres soirs de ma vie, je n’entrerai jamais que dans l'AVANT-DERNIERE nuit de tant d'autres.

    Mais, chut, ça va être l'heure du rêve ! Bonne nuit tout le monde !

  • Rappel d'hiver

    C'était un mois de février.

    “A l’heure où blanchit la campagne”...


    Ainsi l’on ne nait jamais qu’à soi-même. Tant de matins auront passé dans la course lente d’une vie, où les jours se succèdent dans une probable sérénité. L’ordinaire rassurant que l’on se fait.
    Et puis certain matin qui surgit. Emergence du jour à laquelle on assiste, simplement parce que l’on se réveille à un endroit différent, entre autre, et sans doute plus tôt que d’habitude. Rencontre surprenante, _ sa propre planète dans l’ordre de l’univers, prise au flash du moment, descendue à mi-chemin de la terre et du ciel, attrapée par surprise, tirée vers soi par l’effort de la mémoire et puis sur la page.
    Un vers oublié sonne à nouveau : “...dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne”. C’est le même cristal qui tinte encore, refondu au creuset de l’extraordinaire. Présence subite d’anciens points du jour, même corde frappée au cœur de la conscience.

    Mais, pour autant qu’une poignée de clefs ouvrent les mêmes portes, toujours ; les portes, elles, ouvrent sur d’autres seuils. Comme aujourd’hui celui d’un cabanon loué l’espace d’un week-end. Alors je sortirai, alors nous sortirons rejoindre l’avenir coutumier et cependant nouveau _encore une fois. D’ailleurs, le soleil se lève. L’herbe gelée ne sera bientôt plus. Rentrée dans l’oubli... et pour combien de temps ?
    Le cosmos reprend sa ronde des planètes

    _avec la notre.

  • Ca passera, tu sais.

    Très doucement, je réponds : oui, oui... Tout doucement, comme la rumeur que de tels souvenirs remontent à mon oreille.
    Oui, oui... ça passera, tu sais.
    Je sais, c'est affreux d'oser dire cela, parce qu'il est tout aussi abominable de se laisser l'entendre dire.
    La rumeur très en-dessous, derrière tant de jours et tant de nuits qui s'amoncellent et ne réduisent rien. Mais le dire quand même. Qu'une mélodie s'installe et noie l'autre délicieux ronron des souvenirs ensanglantés. Au début, ce sera la basse chantante, qui l'accompagnera, s'estompera parfois au profit de l'autre ; mais qui reviendra encore et encore, pour que roulés en son ressac les silex du coeur s'amoindrissent.
    Alors, un jour, te promenant sur la jetée, tes yeux se lèveront vers un froissement d'ailes, et tu découvriras la mouette rieuse, son cri soudain moins discordant : la rumeur aura coulé l'or de la mémoire avec ce contre-chant, donné au cailloutis son magique bâton de pluie. Et tu pourras pleurer et rire comme pleurent et rient ceux qui enfin savent. "ça passera, tu sais"...

    Je t'embrasse.

  • Mes vallées

    Mais où sont mes vallées ? Celles que je rêvais, celles que j'ai vécues rêvées ? Des vents de sable ont passé, enfouissant certaines demeures. Leurs volets se sont fermés à mon souvenir ; les paysages sont restés. Curieusement, celles qui me virent misérables conservent après tout une teinte riante. C'est parce qu'elles sont rattachées aux sourires qui les fit naître, et que la mémoire n'a pas de cloisons étanches -elle s'arrange. Par exemple, ce Christ au départ du ferry de Dieppe, encore debout en haut de la falaise que les pluies torrentielles avaient pourtant ravinée, écroulé à ses pieds. Cet abyme monstrueusement ouvert et duquel on l'avait protégé, lui évitant la chute au renfort d'un filin noué en haut de sa croix, fiché en terre loin derrière lui. Même maintenant, après que tout soit fini ; même maintenant, alors qu'en ce temps j'avais su en tirer le mauvais présage (l'inexorable crevaison) autant qu'en déchiffrer le signe de mon histoire (sauver, et lors condamner à souffrir), oui, même à présent je retiens la vallée qu'il m'offrait depuis ses yeux vers la mer, la mer qui portait mon fol espoir vers l'Angleterre. Hécate partait, mon amour en lequel il fallait bien qu'elle ait cru - emportant le pardon de ses "turqueries"- et dont la force, donc, l'avait retrempée.

    D'autres demeures se sont ouvertes sur lesquelles le fameux vent a soufflé. Une autre fois terriblement, puis encore mais ce n'était que poussier. Aujourd'hui, il menace à nouveau. J'ai appris à balayer ma porte.. Je vois d'autres vallées, plus nettes.. mais, grands dieux, moins rêvées peut-être.

  • Fred Astaire

    Pour aujourd'hui, je voudrais du Fred Astaire. Savez, celui de Salvador ?

    "ta robe à fleurs
    sous la pluie de novembre
    ..."

    Ce doit être, curieusement, la caresse du soleil sur ma joue qui me renvoie à cette chanson.

    Ca a été l'époque de mes retrouvailles avec la Miss, que j'avais dirigée vers le sud pour qu'elle se remette de ses frasques "adultères" et que j'ai retrouvé à Nîmes, dans un appartement dont le balcon donnait sur un jardin et des terrasses... Fraîcheur attirante du jardin, sècheresse des terrasses, des toits de tuiles rondes et rose pâle. Sur et dans tout cela le silence et quelques cris d'oiseaux.
    Un vrai petit couple, comme avant, insouciant et riche de poésie...
    Depuis, j'avais un peu moins mal : une aventure rouennaise. Depuis, et je le savais et c'est pour ça, elle avait rencontré quelqu'un d'autre déjà.
    Je suis venu à Nîmes la voir. Il y avait tout le poids de ses "fugues", ajouté à celui de nos nouvelles rencontres. C'était fini.
    C'était à jamais fini. De ces couples qui s'aiment plus que tout et qui ne vivront plus ensemble cependant. Une cassure, quelque part. Quelque chose comme un arrêt, un arrêté divin : "cela doit cesser"... et en effet, cela cesse.
    (cf. pour se faire une idée, la nouvelle intitulée "Pendant des années"de Anna Gavalda, in "Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part", coll. J'ai Lu)

    Le soleil, le silence, nous deux, cette chanson, notre damnation.