Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La femme idéale

    Pas un jour où je ne pense à elle. Chaque matin au réveil son nom me vient, chaque soir je me couche dans son absence. Tout au long de la journée je sais que la pensée et le sentiment vont me la rappeler, et il m’arrive souvent de creuser les climats ou l’espace pour leur donner des mots, seules pierres qui dans mon champ désolé me restent pour rebâtir notre dôme, pour la serrer encore dans mes bras, pour que tous les vides prennent la forme du creux de nos lits. Je ne fais qu’habiter l’hologramme de notre monde perdu : ma vie n’a pas d’autre sens qu’elle.

    D’accord, je me suis trompé. Non, elle n’était pas la chaude et tendre, sombre et solaire amante de ma lignée. Oui, je l’ai construite sur des repères friables comme sable, des sables mouvants de folie. Et je ne peux lui en vouloir de n’avoir su se solidifier par et dans l’amour, et en s’écroulant d’avoir emporté mes châteaux, aussi beaux, nobles ou vastes fussent-ils. Ainsi, même lui pardonne ses promesses  d’à jamais, ses certitudes de toujours... Mes rêves et ma mémoire sont plus forts que les siens, c’est vrai, et cela ne donne pas que je vaux mieux qu’elle, puisque après tout cette sorte de géant que je fais dans ma contrée Amour a des pieds d’argile. Mais j’ai la chance que d’avoir à ce point été l’artisan de ma déception, de mon malheur, me prouve que j’en ai la qualité et les outils, solides, et que je sais les manier. J’ai donc en moi cette formidable force créatrice _même si mes créations s’avèrent être sans réels fondements, donc. Tant pis, au moins je sais par là comment ou qui je suis et c’est énorme dans un monde que je connais peu et que je trouve par ailleurs vulgaire et laid ("People they ain't no good") : une réalité imbécile d’avec laquelle sans peine finalement j’accepte d’être divorcé et de toute éternité. Capitale compréhension.   
   
    Maintenant, je suis seul. Mon “oeuvre” me tient chaud. J’aime toujours cette autre qu’elle et qui est mienne : sa méfiance du monde des hommes, son amour absolu et exalté, les rapides changements qui habitent son front, ses enjouements soudains, sa sourde mélancolie, ses luttes dans nos danses, l’imperceptible ironie pour mon amour (ah,  ses désuets et charmants “Trésor !”)... Toute cette vie de funambule sur corde de ténèbres et d’éclats au-dessus de ses rocs d’angoisse et de mésestime. Vivante malgré ses morts. Et, toujours, cet amour de moi. Cela vit en moi et dure comme le modèle entrevu de quelque chose comme une femme  idéale.
 
(...)

Les commentaires sont fermés.