Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le monde caressant

    Tout étourdi de soleil. Les veines du coeur enflent et s’ouvrent, déversent leurs flots de sang brut jusque dans les bras, viennent battre et peser dans mes mains. Mains devenues lourdes, chaudes et comme chargées de tous les fruits cueillis aux saisons d’amour. (Il y a le toucher mat, lisse et accrochant de la pomme, ronde et forte ; le jus liquide, chaud et collant de la cerise noire et charnue... La main qui s’en est emparé garde en  elle aussi le contact âpre des feuilles et des branches. Un plaisir de s’être épris, échangés et fatigués ensemble.)
    Des mains irriguées de toutes sèves, fortes des troncs doux ou rugueux, et qui semblent reposer dans la paix de soleils nets, éclatés et languides. Elles attendent sans doute, mais sans impatience, une femme dans le midi de son désir, de son présent amoureux, l’esprit serein et bouillant, le front pâle et chargé de ses abandons _ torpeurs ou griseries. Elle aime les serres chaudes, aussi la bise des matins trop frais. Il n’y a plus de questions, seulement l’assurance sans fard du moment à vivre, dans le calme horizon  de la vie longue, où ne sommes que deux _en sachant que viendront les foules agglutinées à leurs fantasmes ; foules opaques de désirs éphémères et nerveux, de mille défis de tentations toujours inabouties, sans jamais qu’elles s’allongent dans le temps des prairies au corps tendres, et verts, et chauds, et calmes comme monts et collines. (Là où je suis grand rapide, au coude aiguë des forêts, qui comptent en mon bois ses cercles d’ans, et ce dernier, de tous le plus large et dense, leur rappelle le temps fait de millénaires où elles se sont toujours ressemblées.)    
    J’attends les fruits encore, la femme de terre sous les ciels de meilleurs dont je suis. Uniques, nous sommes uniques. Nous-nous aimons dans le brouhaha oublié de l’histoire affolée. Et rien ne m’effraie plus. Tout est bien. Chaque brindille, chaque éclair des couperets de la réalité ne fait que signer ma certitude pleine. Mes mains sont celles du monde caressant.

Les commentaires sont fermés.