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  • Deux ou trois choses que je crois savoir (à suivre)

           "A 40 ans, je FAIS et LAISSE couler."
     
        Oui, la rencontre. Elle était bien, la rencontre. Rien en trop, juste commencé par un petit débordement. Faut que quelque chose dépasse, dans une rencontre, pour que ça en soit une. Le truc qui dit quelque chose, un détail insolite qu’on voit, pas forcément tout de suite, mais qu’on a remarqué même en n’y faisant qu’à peine gaffe. La mémoire l’aura retenu, et alors parfois l’on ne se rencontre vraiment qu’après, après que la mémoire ait fait son boulot, a ramené dans les yeux ce qu’ils n’ont pas vu. Là, c’est elle qui m’a réveillé la mémoire. Le truc insolite, c’était de me faire marcher sur le pied. Par elle. Mon pied qui dépassait, donc. On va me dire “Merde, putain, ça commençait mal”, parce qu’on veut toujours rire et surtout ne pas croire comme ça, d’un coup, au miracle et encore moins qu’il puisse se manifester dans de si petites choses. Et pourtant, l’amour se gobe d’un coup, comme une grande rasade de vent qui soudain gonfle les alvéoles, claque les poumons, sonne les alarmes de tous les réveils à son heure. Il n’est donc pas question de croire ou pas, parce que moi-même de toute façon ne suis pas sûr de l’avoir vécu, ça. Je veux dire qu’en fait je ne me rappelle pas qu’elle m’ait marché sur le pied. Voyez, une histoire d’amour, ça se fait à deux et c’est con parce que vous l’oubliez, que l’un est l’autre qui vous a réveillé, et le contraire aussi, et pas seulement la mémoire.
        C’est un mystère, le mystère de la grande Recomposition. Des éléments, des souvenirs, des réalités, de l’individu, même. Comme dans l’écriture, au moment où les mots commencent à se suivre sans y penser, quand on parle le jus de fruit bien mûr qui s’écoule, le sens de soi au monde, du monde en soi, l’accord de la rencontre. On se trouve corps à corps, âme contre âme, et tout pressés on s’en mélange. Les gosses, comme ça, se barbouillent, en riant aux éclats. De crème glacé, par exemple. C’est un jeu. Toujours le même. Copains, matière, étincelle, shaker, je te fais tu me suis tu me fais je te suis, nous sommes ce que nous faisons. Ce que nous en faisons. Intensité. Langage de pluie et de soleil, de terre et de ciel. L’on devrait alors vivre heureux mais ça n’arrive pas toujours. Pas souvent, même. Ça dépend après du mien et du tien, de si j’y mets du mien, de si tu y mets du tien. Pour que ça tienne, que tu sois mienne, que je sois tien. Je veux dire qu’au départ, on ne calcule ni l’un ni l’autre la vitesse du déplacement des corps selon l’altitude ou le sens du vent, ni comment je t’ai vue ou pourquoi. Et tout en découle, pourtant. Mais là n’est pas l’important : ce qui compte, c’est de creuser un peu, quand on veut un peu de terre glaise pour construire encore. On n’est pas obligés, mais si l’on veut, il n’y a qu’à se servir, vraiment. A profusion. Moi, je construis ce texte à partir du besoin de dire cette rencontre, puis je tends les mains dans notre espace, je plonge les bras dans les siens et je ramène tout un tas de bric à brac de liens, de couleurs, d’attitude, de sensibilités, de matériaux de notre ouvrage, oeuvre de chair comme d’âme, jeux de corps comme d’esprit, qui m’ont rêvé par elle, qui l’ont rêvée par moi. J’ai pris une tongue, mais ç’aurait pu être sa jupe de cinéma, pour moi, ses yeux dans le vague, pour moi, sa casserole sur le feu, pour moi, ou le timbre de sa voix, pour moi, qui sont elle ou d’elle ou par elle (sa mémoire de mes tongues quand elle m’a marché sur le pied, là). La réalité, c’est pour la photo, ou l’architecture, je ne sais pas. Pour les travaux publics, en tout cas. Ici, ce sont des travaux intérieurs, personnels, intimes, essentiels. Alors, on se prend la main et on continue ? On sort de la rencontre, donc ? Oui ? J’y reviens quand vous voulez, notez, j’ai encore plein de choses à dire, mais non, on sort, d’accord.
        Or, soyez francs, ça n’est pas qu’à ce point de l’histoire vous brûlez d’entendre la suite, mais c’est que vous voulez aller plus loin mais dans le déroulement de VOTRE histoire : vous allez me demander des détails, oui, des choses comme  “”Et après, main dans la main, vous allez où ?” et “Oui, mais...”. C’est toujours comme ça, c’est au moment où l’on est bien que quelqu’un lève la main. A croire que vous le faites exprès. Mais non, je plaisante ! Un peu. Vous voulez sortir du cercle magique, prendre du recul, vous remettre à la recherche de ce qui vous préoccupe (le bonheur, le couple, etc), reprendre vos esprits, en somme. Mais vous cherchez VOS réponses. Et vous n’avez pas entendu la réponse contenue dans mon histoire, qui est pourtant votre réponse comme votre histoire. C’est la raison pour laquelle on écoute les histoires, toujours, qu’on lit des livres, toujours, qu’on voit des films, toujours. Parce qu’à chaque fois que le mot “FIN” se pointe on cherche à recommencer l’histoire qui s’est détachée de nous, qui n’a pas pris avec la notre. Et pour cause : elle ne peut pas s’y substituer, et encore moins la créer de toutes pièces.  Elle ne peut que nourrir la sienne propre. Et, aussi, vous voulez toujours vous réveiller, être responsables, raisonner “en adultes”, théoriser, lever la main et avoir raison. Alors que tout ça, je le redis, c’est de la terre glaise. Retourner au film, au livre, à l’histoire, d’accord, mais comme au terreau, au vivier de ce que vous êtes et qui vous fait.
        Je profite de votre curiosité, de vos questions, pour illustrer le fait qu’on a bien du mal à se contenter de son histoire, et qu’on veut la dominer pour la posséder. Se faire un vécu, en somme. Et c’est bien dommage. Pourquoi ? Parce qu’à cause de ce sursaut de conscience (du pouvoir de douter, plutôt) vous  n’entendrez pas la suite de mon histoire. Pourtant vous y étiez bien, non ?
        Mais je dois vous avouer quelque chose. Mon histoire, si je ne la continue pas, c’est évidemment que j’en sors pour servir à ma sorte de démonstration. Mais je voudrais être honnête : je sors aussi bien trop souvent de la mienne, dans la vie de tous les jours. A cause de la vie de tous les jours, peut-être. Or, voyez, cela me sert encore à rebondir sur la selle de mon cheval de bataille, de mon dada : si le quotidien nous heurte toujours, parce qu’il faut bien sûr faire face à la réalité de la vie (le travail, le logement, comprendre ses factures, les systèmes de retraites, éducatifs, comment marche sa voiture...), comment ne pas sortir de la magie, de l’enchantement, de son histoire rêvée qui est la seule réalité possible ? C’est juste une extension de mon sujet, en fait.
        Il s’agit de bavarder sa réalité.
        Et je vais d’abord me contredire, du moins en apparence. J’affirme : reprenez vos esprits, faites marcher votre raisonnement, sinon votre vie vous échappera. Vous aurez vécu pour rien, aurez été de passage sur la plage au soleil et ça aura été bien, sauf que pour la plupart des hommes, toutes les plages de cette existence laissent un grain de sable dans la conscience. Dans dix ans, ou après la vie dite active, ou même dès ce soir, une porte va claquer, un courant d’air passer et agiter un rideau, laisser entrer un papillon ou la tiédeur de la nuit, poser un doigt sur la bouche et taire les certitudes qu’il faut se faire, et en même temps le langage de tous les jours. Alors, on se retrouve muet et “démuni comme un oiseau sans bec au bord d’un champ” (ce vers est de Eugène Guillevic, un poète de nos jours). Le courant d’air s’est imposé, et avec lui toute la conscience de ce qui est et ne se dit pas avec les mots qu’on a appris. Se réveiller, c’est se faire un langage.

  • Avertissement au lecteur

    Bonjour,

        Je voudrais dire, encore, que je ne suis pas celui qui écrit sur ce blog. Là, Je le dis plus franchement.

        Ici, c'est l'exutoire, le laboratoire aussi, c'est le déversoir des humeurs et des facettes. Même si évidemment certaines choses sont "vraies"... L'homme, lui, existe et respire, vit sa vie, n'a à voir avec ce blog que peu de choses. Une sensibilité certaine, bien sûr, mais qui reste à découvrir en réalité bien mieux qu'ici. "Bien mieux" dans le sens plus concrète. La vie est concrète. Et je suis of course concrètement un quidam.