Chanson pas finie pour Arthur
Les bords de mer par ici se ressemblent
 et leurs villes
 Je marche les yeux
 baissés obstinément
 sac à dos mains
 dans les poches dans le vent
 chargé de pluie
 dont je voudrais qu’il noie
 la mémoire têtue de mes pas que je suis
 qui savent l’amble
 avec ceux de la fille longue
 la fille brune
 frêle et folle
 là-bas plantée dans le plein du quai
 qui fait danser les chevaux de nuit
 au manège face au bar
 Elle ne chante pas
 elle appelle un chien noir
 au nom russe
 pendant que je cherche à boire
 à une terrasse
 que je trouve
 sans clients
 pour m’ôter le murmure
 du ressac
 
 Autre jour
 Et je marche encore
 toujours près de la mer
 où les ombres me croisent
 frappées de stupeur derrière
 le plissement de mes paupières
 brûlées
 Je crois qu’elles ressemblent à des êtres vivants
 peut-être de l’espèce humaine
 cela ne suffit pas pour répondre à leurs peurs, leur donner le viatique, l’absolution à leur stupide orgueil des familles dans leurs symphonies brinquebalantes, délivrer la parole qui rassure, le mot banal, boucler la ronde des jours, le barreau ajouté dans un sourire à oublier, la candeur mièvre d’un “bonjour”
 Je n’entends que le corps violent de la femme frêle, femme-pouliche sur ses gambettes mal-assurées
 elle porte haut son sexe avec lequel elle dialogue
 en syncopes, dans le roulis de ses hanches
 de garçonne, mon café noir, mon Procope
 mon salon suspendu
 porté sans nègres dans les déserts
 de Grau ou de Motte où je bois à grandes coulées
 des tasses à noyer l’Arena
 Parfois, me heurtent les parfums de nuques grasses des icelles que je sais baiser mais que je rate
 à cause aussi de leurs doigts trop courts, de leurs seins lourds, de leurs ingénuités idiotes, ou de leurs vices de toc
 Je claque des dents dans les matins trop tôt
 tac tac tac et re-tac
 qui scandent le charleston de mes os mariés à son squelette
 ma maigrelette à pleurer de lui faire mal peut-être
 dont je dissèque pour mieux le poser tout autour le corps _ici le cou, attention, que je revisse, revisse dans ma paume en coupe, là les reins plus solides que mon autre main maintient tandis qu’en lévitant je la herse et la soc, la ravine et l’empluie, la conquière et la recompose, l’amoure et l’aime
 ...
 Sur la plage me contre-sensent des tarés en jogging, imbibés d’infos et de croissants, la santé à crédit
 alors je repasse en marche arrière ses images.
 Ça donne un tournis différent
 à l’enclume que je porte dans l’estomac,
 rotation inverse de mon aiguille
 vers son pôle